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« Ceux qui vont au théâtre sont des gens bien portants »

Probablement apparue en Chine avant de se répandre dans le monde, la grippe dite « espagnole* » atteint les États-Unis et revient en Europe avec les soldats américains au printemps 1918. D'avril à juin, ce que les soldats français appellent « la fièvre de trois jours » contamine la population civile. Beaucoup plus meurtrière que la Première Guerre mondiale, la pandémie va faire entre 50 et 100 millions de morts.

Au printemps 1918, une première vague de l'épidémie ne suscite pas d'inquiétude particulière. Le Bonhomme Normand ironise : « La maladie à la mode. Tout le monde l'a, l'a eue ou va l'avoir. […] On a 39 ou 40 de fièvre, on tousse, on croit sa dernière heure arrivée. Puis, assez rapidement, tout s'arrange. »

La seconde vague, d'août à novembre, est beaucoup plus virulente. Les complications pulmonaires tuent par asphyxie en quelques heures. Les premières mesures d'hygiène et les recommandations du maire de Caen, René Perrotte, de faire matin et soir « une toilette soignée du visage, de la barbe et de l'orifice des fosses nasales » ne suffisent pas à endiguer le phénomène. De même que la consigne, pour les foyers infestés, de « se laver la bouche quatre à cinq fois par jour avec de l'eau chaude pure ou additionnée de quelques gouttes d'alcool de menthe ». Le 10 octobre, appliquant un arrêté préfectoral, la Ville de Caen fait fermer les salles de spectacle, interdit les réunions et limite les offices religieux. Quelques voix s'élèvent pour protester : « C'est l'évidence même que ceux qui vont au théâtre sont des gens bien portants ! ». 

extrait d'un article du Mémorial de Caen, à lire en intégralité dans le CaenMag (du 2 au 8 mai 2020) - Ville de Caen

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* On parle de « grippe espagnole » parce qu’un tiers des Madrilènes en ont été atteints dès le printemps 1918, dont le roi Alphonse XIII. Les salles de spectacles, pourtant, ne ferment pas. Et c’est en Espagne qu’on va donner également à cette grippe un surnom étrange : « Le Soldat de Naples , en référence à un air de… zarzuela à la mode, extrait de La canción del olvido de José Serrano sur un livret de Shaw et Romero, qui fait fureur au Teatro de la Zarzuela et qui trotte dans toutes les têtes. Romero dira : « Cette sérénade était aussi accrocheuse que la maladie, bien que moins meurtrière… ». (Source : Agnès Terrier. Lire l’article publié par l’Opéra-Comique)