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Le spectacle

Les célèbres amours de Tristan et Yseult ont inspiré à Wagner son opéra le plus célèbre. La légende celte est pour lui le prétexte à l’écriture de ce long poème d’amour, mais aussi l’avènement d’un véritable drame musical. Tout doit servir l’intrigue : interprétation, mise en scène, décors. Plus qu’un ornement, la musique est ici l’expression même de l’intériorité des personnages, de leurs tourments. Ce qu’il veut avant tout, c’est écrire une  œuvre totale. Chef-d’œuvre exacerbé de la passion amoureuse, Tristan et Isolde a donc aussi posé les premiers jalons de la modernité musicale.  Tiago Rodrigues donne à voir amour ardent et sensuel grâce notamment à la présence de deux danseurs auprès des chanteurs. Attentif au texte de la légende, son récit, les émotions qu’il suscite, il les surtitre d’un texte inédit écrit de sa main et en homme de théâtre, remet ainsi la légende au cœur de la scène. Ce parti pris sensible et total capture le spectateur et le propulse à son tour au cœur de l’œuvre.



Un spectacle total et l’un des grands événements de la saison lyrique en France !


Distribution

Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Lorraine 

Leo Hussain
direction musicale

Tiago Rodrigues mise en scène

Simon Hatab dramaturgie

avec 

Samuel Sakker Tristan

Dorothea Röschmann Isolde

Aude Extremo Brangaene

Jongmin Park Marke

Scott Hendricks Kurwenal

Peter Brathwaite Melot

Alexander Robin Baker un berger et un timonnier

Sofia Dias et Vítor Roriz danseurs


Programme

opéra (action en trois actes) de Richard Wagner (1813-1883),

créé le 10 juin 1865, au théâtre royal de la Cour de Bavière à Munich

chanté en allemand, surtitré en français

durée : 4h40 dont deux entractes 


La presse en parle

« Une œuvre totale. Sens et sons. » Télérama



« Iconoclaste et tendre. » Le Monde



« Une saisissante beauté. » Les Échos



« Sublime démesure ! » La Croix


« L'amour devient un geste radical »



Lorsque l’on vous a  proposé de mettre en scène un opéra —votre premier opéra — vous avez souhaité que ce soit Tristan et Isolde. Quelle intuition vous a poussé vers cette œuvre ?

Tiago Rodrigues :
Tristan et Isolde est une histoire d’amour tragique, où deux personnes refusent la place que la société leur a préparée. L’amour devient alors synonyme de transgression sociale et cette transgression prend un sens politique parce que le mythe se situe au niveau des rois. C’est une histoire qui dépasse les individus. Il y a Marke, il y a le royaume, il y a la guerre et il y a cette paix scellée par le mariage du Roi avec cette princesse irlandaise… L’amour de Tristan et Isolde, les choix qu’ils font ne sont pas innocents au sens où ils ont des conséquences sur le monde. Cette dimension les rapproche d’Antoine et Cléopâtre, un autre spectacle que j’ai écrit et mis en scène il y a quelques années. Ce n’est pas une histoire de famille. On est plus proche de Sophocle. Ici, tout est public, tout est politique. Face à la monumentalité des enjeux, l’amour devient un geste radical : Tristan et Isolde, c’est croire qu’au nom de l’amour on peut en un instant remettre en question toute la construction d’une vie. C’est cet instant, ce présent qui me touche.



En tant qu’auteur et metteur en scène, vous êtes habitué à te faire le passeur de grands mythes théâtraux ou romanesques — Antoine et Cléopâtre, Iphigénie, Électre, Agamemnon, Madame Bovary... Par l’écriture, vous vous réappropriez ces mythes d’une manière très personnelle et intime, avec votre  propre sensibilité. L’opéra n’offre pas les mêmes espaces de liberté que le théâtre au metteur en scène : la musique porte une certaine temporalité et — sauf exception — on ne modifie pas le texte. Comment vous situer face à Tristan et Isolde ? Comment trouvez-vous votre liberté pour mettre en scène cet opéra ?

T.R. :
Ce qui me semble remarquable dans le cas de Tristan et Isolde, c’est que la légende préexiste à l’opéra. La légende de Tristan et Iseut remonte au Moyen-Âge. Elle se transmet à travers les siècles, elle influence la culture européenne. Lorsqu’il s’en empare, Wagner se l’approprie, il la modifie, il l’augmente, il l’interprète avec sa propre subjectivité. En tant que metteur en scène, je ne modifie ni le texte ni la partition de Wagner. Mais nous tournons autour de ce mythe qui a existé avant nous. Nous l’observons et notre regard le modifie. Nous avons fait le choix de remplacer le dispositif de surtitrage habituel à l’opéra par un texte que j’ai écrit. Le texte est reproduit sur des cartons que manipulent les danseurs et danseuses et chorégraphes Sofia Dias et Vítor Roriz pendant le spectacle : comme deux observateurs qui regarderaient la légende interprétée sous leurs yeux.



Le système de surtitrage est souvent indissociable de l’opéra, en tout cas depuis que les progrès techniques l’ont permis au XXe siècle. Mais il est vrai que c’est un geste invisible, transparent, mécanique, qui fait partie du code… Vous, vous choisissez de lui accorder de l’importance, d’en faire une performance… Qu’est-ce qui - pour vous  - se joue dans ce geste de surtitrer ?

T.R. :
Surtitrer n’est pas un geste anodin : c’est - d’une certaine façon - transmettre à notre tour la légende au public. Sofia et Vítor se retrouvent aux prises avec la musique de Wagner qui traverse leurs corps et qu’ils rendent visible. Parfois, elle les dépasse et ils en deviennent les victimes. Ils se connectent avec le chant, le silence, la respiration des chanteurs, le souffle - ce mot souffle qui compte tellement dans Tristan…



Comment votre propre texte - écrit en français sur ces cartons - entre-t-il en dialogue avec le livret de Wagner chanté en allemand et joué par les interprètes ?

T.R. :
Wagner a un rapport fort à la parole. Il y a trop de mots dans Tristan et Isolde et c’est bien sûr une caractéristique du style de Wagner. Les personnages parlent et leur chant prend tout l’espace, il dévore l’action, parce que l’action est interdite : lorsque les amants passent à l’acte, ils franchissent une frontière qui les met au ban de la société. La parole enfle parce qu’ils ne peuvent agir. Tristan et Isolde, c’est comme si j’écrivais 300 poèmes d’amour pour ne pas dire « Je t’aime ». Notre texte va aussi contribuer à écrire l’espace. La musique de Wagner a le pouvoir de générer un univers. C’est le cas au début de L’Or du Rhin. Il est très difficile pour un décor réaliste de la suivre. Il faut ouvrir l’imaginaire des mots, mettre à jour le monde invisible que nous dévoile le chant. Il s’agit pour nous de déplacer le regard du public sur l’opéra : assister à un opéra sans lever la tête pour lire les surtitres, se connecter de manière sensible à la musique et à ce qui se joue sur scène.



Propos recueillis par Simon Hatab, dramaturge

Un avant-goût en images et en musique !

Entretien avec Tiago Rodrigues, metteur en scène et directeur du « Festival d'Avignon »