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« Je veux être un fabriquant fabuleux »

Comment Alain Bourbonnais, architecte tout juste diplômé, réussit-il le tour de force de remporter le concours de la reconstruction du théâtre de Caen à la fin des années 50 ? Au sortir de l’école, il répond au concours de la Ville de Caen. Le Jour J il emporte ses plans fixés sur le toit de sa 4CV et s’écroule à l’arrivée, épuisé, dans les escaliers de l’Hôtel de Ville de Caen. Il est rapatrié à Paris en urgence. Six mois après, il est convoqué : le jury a voté pour son projet, mais les élus lui proposent un compromis. Ils aiment et retiennent sa salle intérieure, qui ne ressemble en rien à ce que l’on connaît à l'époque et qui a bénéficié de surcroît d’une réelle réflexion scénique*1, mais à condition de l’intégrer dans la façade extérieure conçue par François Carpentier, architecte implanté à Caen. Alain Bourbonnais finit par accepter (photos de la façade qu'il avait conçue ci-dessous) et se lance dans cette première grande aventure. C’est le début d’une intense collaboration avec Jo Tréhard, futur directeur de La Maison de la Culture/théâtre de Caen, pour qui il réalisera des scénographies de spectacles. Ils resteront amis jusqu’à la mort de la mort de Jo Théhard en 1972.

Ce tour de force est-il dû au fait qu’Alain Bourbonnais exerce parallèlement, et ce depuis l’enfance, une intense activité artistique ? Celle-ci a–t-elle nourri sa créativité d’architecte au point de le faire émerger au sortir de l’École ? Ce qui est sûr, c’est que progressivement, cette passion prendra le pas sur son métier*2.

L’architecte brillant (il a également signé le Théâtre de la Ville de Luxembourg et la station de RER Nation !) découvre en 1971 la Collection de l’Art Brut de Jean Dubuffet, qui provoque en lui à la fois un déclic et un choc. Dès lors, il entreprend de rassembler une collection apparentée à l’art brut en France. Aidé par Jean Dubuffet dans ses prospections, il étend ses découvertes au fil des rencontres et rassemble rapidement une importante collection d’art qu'il nommera « hors-les-normes »En 1978, Alain Bourbonnais est l'instigateur d’une très importante exposition au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris intitulée « Les Singuliers de l’Art ». En 1983, il installe ces créations fabuleuses dans sa maison de campagne qui deviendra la... Fabuloserie !



+ d'infos sur le site de La Fabuloserie, à visiter à Dicy, en France.

Propos recueillis auprès de Sophie Bourbonnais, fille d'Alain Bourbonnais.

Inauguration de la Maison de La Culture/théâtre de Caen en 1963.

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*Alain Bourbonnais a alors déjà travaillé avec Camille Demangeat afin d'imaginer une nouvelle architecture des salles de spectacles adaptée au théâtre contemporain et offrant une nouvelle relation entre le public et les artistes.



*2 En 1973, le critique d’Art André Laude commente ainsi la polyactivité d’Alain Bourbonnais : « Cela fait longtemps que Bourbonnais fait semblant, quelques heures par semaine d’être là, dans ses grands bureaux d’architecte rue Bonaparte à Paris. Sérieux comme un pape, il tire des plans, dit des mots vachement techniques, écoute le chant des pelleteuses et des bulldozers. Mais chaque week-end, à quelques kilomètres, il retrouve son royaume. Là, dans ce capharnaüm, dans ce caravansérail, règne un bric-à-brac étincelant. »